Chloé assoUS-PLUNIAN
Responsable de production Arte Radio
“On a un rôle d’exemplarité à jouer, notamment sur notre manière de rémunérer les auteur.trices. Il faut qu’on soit fidèle à notre responsabilité d’éditeur DE SERVICE PUBLIC."
L'interview🎙
L’audio fait-il partie de l’environnement dans lequel tu as grandi ?
J'habitais au sud de Paris, en région parisienne. Tout, dans mon environnement, était propice à l’audio et au son. J’écoutais des vinyles, Emilie Jolie, mon père écoutait la radio tout le temps quand il rentrait du travail, ma mère nous lisait aussi beaucoup d'histoires même après l'âge où cela normalement se termine. C’était un environnement culturel et artistique. Ma mère était professeur auprès d’enfants sourds, elle parlait beaucoup avec des gestes. Il y avait un rapport particulier au son chez moi.
De formation, j’ai fait une école d’art et un Master en management de projets culturels. Après mon Master, j’étais très attirée par le documentaire mais photo, j’ai fait un stage notamment au sein de l’agence VU (avec le réel qui était d’ailleurs très présent) puis j’ai travaillé au sein de Bal (un espace d’exposition). Les conditions de travail étaient difficiles, moins évidentes que ce que j’avais imaginé et j’ai voulu changer. J’ai eu l’opportunité de la radio sans y avoir pensé et finalement ça me correspond mieux.
Comment es-tu arrivée ensuite chez ARTE RADIO ?
Par piston familial ! C’est marqué sur le site et c’est vrai. La mère de Samuel Hirsch, réalisateur d’ARTE Radio, est mariée avec mon père. J’ai dû convaincre le reste de l’équipe et la hiérarchie de ma place, je suis rentrée en CDD en production pour 6 mois, à mi-temps. Ça fait 15 ans maintenant, à 100%.
Aujourd’hui, quelle est ta fonction au sein d’ARTE RADIO?
Je suis passée Responsable de production, je fais partie du comité éditorial, du choix des projets. Une fois le projet accepté, on reçoit les auteur.trices, je m’occupe de leur accompagnement, de A à Z : premier rendez-vous où on tire les fils du projet, rémunération, soutien psy, durée du projet, distribution. Je m’occupe aussi du budget, de la stratégie numérique, de la bonne humeur et de faire des voix, ce que j’adore particulièrement.
Le secteur du podcast est en pleine mutation, quelle est ta vision aujourd’hui sur ce média?
On est passé des écoutes de niche avec des auditeurs ultra fans à un vrai écosystème. Avant, je devais toujours expliquer mon métier et ça a complètement changé. C’est moins artisanal. C’est réjouissant de faire partie d’un nouveau paysage, de voir que l’offre est pléthorique et qu' il y a des journalistes dédiés à ça. Le fait aussi que l'écoute devienne une pratique quotidienne et partagée, ça sert à tout le monde.
Avec ces changements, je suis toujours préoccupée mais je me sens à l’abri. Ici, on n'est pas dépendant des marques et de la pub, c'est le luxe d’ARTE. Ce qui m'inquiète, c’est la survie des auteurs et des autrices. Peuvent-ils vivre entièrement de cette activité ? YouTube développe beaucoup le podcast mais Spotify et Deezer font des pas en arrière. C’est une année, à mon sens, transitoire.
Dans cet environnement mouvant, on a un rôle au sein d’ARTE, d’exemplarité à jouer, notamment sur notre manière d’accompagner les auteur.trices dans leur écriture, leurs enregistrements et leurs montages. Ça passe aussi par leurs rémunérations et leurs droits. Il faut qu’on soit fidèle à notre responsabilité d’éditeur.
ARTE est une référence dans le paysage audio digital, toujours très prisée par les créateurs.trices, comment sélectionnez-vous les projets que vous produisez ?
On reçoit des projets toujours écrits, (presque) jamais enregistrés parce qu’on est des maniaques de la qualité d’enregistrement micro mono et/ou stéréo. On regarde aussi la qualité d'écriture. Ensuite, tout le monde, même ceux qui en ont déjà fait, passe par une formation pour reprendre les bases de la prise de son car ils vont le faire tout seul. On leur apprend également à écrire “avec un micro”.
Mais si je te propose un projet demain, existe-t-il des règles ?
Oui, il faut qu’il y est :
> un projet sonore, un dispositif créatif sonore = les bonnes raisons pour que ce soit un podcast et pas autre chose)
> une situation dramatique
> une page ou 2 pour l’approche
> une écriture, que le ton nous parle (l’humour dans un mail par exemple, ceci nous aide à nous projeter) On juge la capacité à affronter le sujet ou une pudeur, on est sensible au rapport au sujet.
> On aime la contradiction humaine, sentir la préoccupation intérieure profonde, politique.
Et pour les comédiennes/voix off qui voudraient travailler chez ArtE, quel conseil pourrais-tu leur donner ?
N’envoyez pas une bande démo un peu froide mais des choses plus personnelles pour qu'on puisse transposer votre voix dans un projet ou travaillez un texte plus intime.
En tant que responsable DE PRODuCTION chez Arte, quel est ton niveau d’écoute de podcasts ? As-tu une playlist à nous recommander ?
J’écoute forcément tous les podcasts d'ARTE Radio dont certains plusieurs fois. Certains m’ont marqué et j’y reviens souvent. J’ai fait une playlist pour les gens qui ne connaissent pas encore. Mais j’adore aussi écouter les autrices, je pense à Adila Bennedjaï-Zou (France Culture), Elisa Andrieu, Sophie Simonot, Claire Richard, Delphine Saltel, Victoire Tuaillon, Sabine Zovighian... Comme je choisis le livre d’écrivaines, là je choisis des raconteuses d’histoires.
Pour le podcast de conversation, je suis très cliente dès que ça parle de grossesse et parentalité : Bliss Stories ou le podcast d’Anna Roy etc
Tu as vécu dans un environnement culturel fort, tu as commencé par la photo, pratiques-tu toujours la photo ? Et comment t’inspires-tu aujourd'hui ?
Oui je fais toujours un peu de photos, je n’ai pas assez de temps mais j'essaye de développer la photo chez Arte Radio, j’ai un peu de matériel.. J’adore aussi tous les arts, je continue de me nourrir comme ça, le théâtre crée également beaucoup de réflexions, et fait germer des idées.
Tu es membre du réseau W&P, tu en penses quoi ?
Je suis complètement feministe et entourée de femmes qui font de la radio, c’est donc d’une logique implacable. Comme le podcast est vaste, il y a des pratiques différentes, et le réseau Women & Podcasts rassemble toutes ces pratiques, ces individualités. C’est génial de pouvoir puiser dans les pratiques de chacune qui nous inspire.
Qu’est-ce qu’on ne sait pas déjà de toi ?
Je peux dire que j’écris un podcast depuis des années. J'ai commencé à enregistrer il y a 10 ans et j’espère qu'il va sortir en 2025. C’est sur l’histoire de ma famille, un projet très personnel que j’ai commencé à la mort de ma grand-mère.